De
Gaulle fait le bilan de sa
politique étrangère (1962)
Les résultats atteints quatre
ans après mon retour me paraissent encourageants. [... ]
Plutôt que de le laisser verser son sang, perdre son argent,
déchirer son unité, en s'accrochant à une domination
coloniale périmée et injustifiable, j'ai voulu remplacer
l’ancien empire par l'association amicale et pratique des
peuples qui en dépendaient. Nous y sommes ! […]
Afin que l'Europe cessât d'être un champ de haines et
de dangers, d'étaler de part et d'autre du Rhin et des Alpes
sa division économique et politique, de dresser les uns contre
les autres ses peuples de l'Ouest et de l’Est sous prétexte
d'idéologies, j'ai voulu que la France et l'Allemagne deviennent
de bonnes voisines, que prenne corps le Marché commun des
Six, que soit tracé le cadre dans lequel ils peuvent conjuguer
leur action vers le dehors, que renaissent la sympathie et la confiance
naturelles entre les Slaves et les Français. Le tout est
en bonne voie ! Tandis que la France renonçait à elle-même,
en s'égarant dans d'astucieuses nuées supranationales,
en abandonnant sa défense, sa politique, son destin, à
l'hégémonie atlantique, en laissant à d'autres
les champs d'influence, de coopération, d'amitié,
qui lui étaient jadis familiers dans le Tiers-Monde,
j'ai voulu que parmi ses voisins elle fasse valoir sa personnalité
tout en respectant la leur, que sans renier l'alliance elle refuse
le protectorat, quelle se dote d’une force capable de dissuader
toute agression et comportant, au premier chef, un armement nucléaire,
quelle reparaisse dans les pensées, les activités
et les espoirs de l'univers, au total qu'elle recouvre son indépendance
et son rayonnement. C'est bien là ce qui se passe!
Charles De Gaulle, Mémoires d'espoir.
Le renouveau 1952-1962,
Plon. 1970,
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