L'Europe et la France : un bilan
En jouant les marraines de l'Europe, la France a
réussi son investissement historique le plus judicieux. L'Europe
constitue en effet une machine à moderniser la France. [...]
Si la France a réussi sa conversion à l'économie
de marché, c'est grâce à l'Europe : la suppression
des barrières douanières. des contingents, des normes
techniques nationales ont plongé la France dans l'univers
de la concurrence. L'abolition du contrôle des changes, des
capitaux et des prix s'est faite en fonction des objectifs européens.
[...] Si des gouvernements gaullistes ont dû renoncer aux
instruments vieillis d'une souveraineté jadis érigée
en dogme (1),
si des gouvernements socialistes ont dû privatiser ce qu'ils
avaient auparavant nationalisé (2),
c'est encore parce que la logique et l'ambition européenne
leur servaient de pédagogie quotidienne.
L'Europe [...] a aussi permis la transition historique de la puissance
déchue à l'influence retrouvée. Elle a fourni
un nouveau grand dessein au moment où s'évanouissaient
les ambitions d'antan. Le choix de l'Europe, le fait que la France
en ait porté le projet comme elle l'a fait, lui ont permis
de définir un nouvel horizon, un nouveau statut, une nouvelle
ambition.
A. Duhamel, Le déclin français,
Plon, 2003
1.
le général De Gaulle et ses successeurs gaullistes
ont défendu une souveraineté nationale intransigeante
; ils ont refusé toute idée de "supranationalité"
depuis la proposition d'armée européenne (la CED en
1954) jusqu'au refus du commandement intégré de l'OTAN
soumis aux Américains en 1966 ou aux 2 refus de l'entrée
du Royaume-Uni dans la CEE.
2.
Les gouvernements Rocard (1988-91) et Jospin (1997-2002) ont procédé
à de nombreuses privatisations économiques, alors
que le président Mitterrand avait engagé de 1981 à
1983 de nombreuses nationalisations (banques et 5 grands groupes
industriels), les nationalisations constituant un des fondements
de la doctrine des socialistes français.
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